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À l’aube des plus récentes innovations dans les industries agroalimentaires, la fermentation est responsable de la biotransformation d’un grand nombre de produits consommés au quotidien. Les découvertes scientifiques montrent que la fermentation a participé directement à l’évolution de notre société (Ozturk & Young, 2017) : il suffit de regarder dans vos assiettes ou vos placards et vous trouverez certainement un produit fermenté. Le pain, le fromage, le vin et la bière, les olives, le café, le yaourt, sont les exemples de produits fermentés les plus proches de l’Occident.
Cependant, d’autres cultures, notamment dans les pays orientaux, consomment une vaste diversité de produits fermentés, comme le kimchi (choux), le tempe (soja), le mantou (pain), le natto (soja), et le koumis (lait). Dr Michal Ganzël de l’Université d’Alberta (Canada) a publié récemment une « table périodique des produits fermentés ». Ce tableau nous montre un panorama de la richesse des produits fermentés phares consommés dans le monde, ainsi que les principaux microorganismes utilisés ou détectés dans ces produits (Gänzle, 2022).
Table périodique des produits fermentés (Gänzle ,2022)
1. Bactéries, levures et champignons : les acteurs de cette transformation
Quand on parle de fermentation, on doit obligatoirement parler de microorganismes, et principalement des levures, des bactéries et des champignons filamenteux. Ils sont les acteurs au cœur des réactions biochimiques qui transforment différents substrats en énergie. Ces substrats sont principalement les sucres simples, tels que le glucose, le fructose ou le galactose, ou plus complexes, tels que le lactose, le sucrose, le maltose, ou le raffinose.
Pendant ce processus, les microorganismes synthétisent également une série de substances capables de modifier les propriétés physicochimiques et sensorielles des aliments, comme des enzymes, des arômes et des protéines. Par exemple, c’est grâce à eux que les olives ou les graines de café, normalement très astringents et amers, sont rendus comestibles par l’être humain. Pendant ce processus, un large panel de substances aromatiques volatiles est développé tant par les bactéries que par les levures (Batista et al., 2016; Martinez et al., 2019).
2. Biotransformation et conservation des produits fermentés
Le pain, la bière et le vin n’existeraient probablement pas comme on les connaît sans l’activité des levures et des bactéries. D’un côté, les levures assimilent rapidement le glucose en le transformant en éthanol et en dioxyde de carbone grâce à la fermentation alcoolique. Dans une pâte à pain classique, les bulles de gaz sont piégées à l’intérieur de la matrice alimentaire grâce au réseau de gluten, ce qui fait « lever la pâte » et la rend aérée (Dong & Karboune, 2021).
Dans un liquide comme le jus de raisin, l’assimilation des sucres par les levures augmente la teneur en alcool. Pendant ce processus, des beta-glucosidases et d’autres enzymes sont aussi synthétisées. Ces enzymes hydrolysent les liaisons glycosidiques des sucres fermentescibles présents dans les végétaux, libérant à la fois le glucose pour la production d’énergie, et des molécules volatiles qui modifient le profil aromatique du vin (Zhang et al., 2021).
Ces phénomènes sont accompagnés d’autres transformations, surtout par l’action des bactéries lactiques ou acétiques, qui sont capables de métaboliser les sucres en acides très pertinents à la fois pour la conservation du produit et pour leur saveur caractéristique. Ce mécanisme d’interaction microbienne est fondamental pour la transformation des produits fermentés.
Un autre exemple de produit phare consommé du côté occidental de la planète est la choucroute. Ce produit est composé principalement de choux, un légume très riche en fructane, l’oligosaccharide responsable des inconforts intestinaux, mais également riche en sucres. Afin de rendre ce produit moins périssable et digeste, un procédé de fermentation lactique est utilisé. Les bactéries lactiques sont capables d’assimiler les sucres, dont le fructane, et de produire de l’acide lactique.
Au fur et à mesure que cet acide réduit le pH du milieu, il empêche la contamination par d’autres espèces de microorganismes d’altération ou pathogènes, car ce sont souvent des espèces sensibles aux variations de pH. La diminution du pH interfère aussi avec la perception du goût, en même temps que de nouvelles notes aromatiques sont synthétisées pendant la fermentation (Sáenz-Navajas et al., 2020).
Du point de vue de la conservation par la fermentation, on parle souvent d’acide lactique, mais certaines espèces bactériennes sont aussi capables de synthétiser de l’acide acétique, ou encore, les levures et champignons filamenteux qui produisent des alcools, des esters et même des bactériocines. Ces substances sont très importantes pour augmenter la conservation des produits fermentés sans ajout d’additifs et ainsi rallonger sa durée de vie.
3. L’industrialisation de la fermentation, les défis et les opportunités
La fermentation est sans doute un procédé unique, voire même une diversité de procédés uniques. Les microorganismes sont les responsables de cette révolution dans nos modes de consommation. C’est grâce à eux qu’on retrouve dans notre quotidien une immense variété de produits fermentés.
La végétalisation de nos assiettes est une tendance à laquelle les industriels de l’agroalimentaire doivent s’adapter afin de répondre à une demande croissante par des produits plus sains et plus durables. Les produits fermentés sont en effet un vaste monde d’opportunités de création, tant du point de vue des espèces microbiennes utilisables, innombrables encore inconnues, comme des combinaisons de substrats et de composition de matrices alimentaires.
Cependant, il faut tenir en compte que la fermentation peut aussi engendrer la production de métabolites secondaires indésirables, tels que les amines biogènes, molécules résultantes du catabolisme de microorganismes et qui peuvent causer des maux de tête, nausées, rougeurs entre autres, chez les personnes sensibles. Ou encore, des mycotoxines principalement produites par des champignons filamenteux.
À l’échelle industrielle, la fermentation est un procédé complexe qui nécessite le réglage constant de multiples paramètres, tels que le pH, la température, l’aération (aérobie ou anaérobie), le taux d’O2 dissous, etc.
Tous ces paramètres abiotiques interfèrent avec l’activité microbienne, la productivité et la stabilité des ferments. La propreté des installations, des cuves de fermentation, et du matériel nécessaire peut aussi affecter le rendement et la productivité. La contamination par des flores indésirables affecte l’innocuité des produits destinés à la consommation humaine et doit être maitrisée afin de minimiser tout risque pour le consommateur. Tous ces paramètres doivent respecter un certain nombre de normes associées à une démarche HACCP (système d'analyse des risques et de maîtrise des points critiques).
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Références :
Batista, N. N., Ramos, C. L., Dias, D. R., Pinheiro, A. C. M., & Schwan, R. F. (2016). The impact of yeast starter cultures on the microbial communities and volatile compounds in cocoa fermentation and the resulting sensory attributes of chocolate. Journal of Food Science and Technology, 53(2), 1101‑1110. https://doi.org/10.1007/s13197-015-2132-5
Dong, Y., & Karboune, S. (2021). A review of bread qualities and current strategies for bread bioprotection : Flavor, sensory, rheological, and textural attributes. Comprehensive Reviews in Food Science and Food Safety, 20(2), 1937‑1981. https://doi.org/10.1111/1541-4337.12717
Gänzle, M. (2022). The periodic table of fermented foods : Limitations and opportunities. Applied Microbiology and Biotechnology, 106(8), 2815‑2826. https://doi.org/10.1007/s00253-022-11909-y
Martinez, S. J., Bressani, A. P. P., Dias, D. R., Simão, J. B. P., & Schwan, R. F. (2019). Effect of Bacterial and Yeast Starters on the Formation of Volatile and Organic Acid Compounds in Coffee Beans and Selection of Flavors Markers Precursors During Wet Fermentation. Frontiers in Microbiology, 10. https://www.frontiersin.org/journals/microbiology/articles/10.3389/fmicb.2019.01287
Ozturk, G., & Young, G. M. (2017). Food Evolution : The Impact of Society and Science on the Fermentation of Cocoa Beans. Comprehensive Reviews in Food Science and Food Safety, 16(3), 431‑455. https://doi.org/10.1111/1541-4337.12264
Sáenz-Navajas, M.-P., Ferrero-del-Teso, S., Jeffery, D. W., Ferreira, V., & Fernández-Zurbano, P. (2020). Effect of aroma perception on taste and mouthfeel dimensions of red wines : Correlation of sensory and chemical measurements. Food Research International, 131, 108945. https://doi.org/10.1016/j.foodres.2019.108945
Zhang, P., Zhang, R., Sirisena, S., Gan, R., & Fang, Z. (2021). Beta-glucosidase activity of wine yeasts and its impacts on wine volatiles and phenolics : A mini-review. Food Microbiology, 100, 103859. https://doi.org/10.1016/j.fm.2021.103859
La fermentation